La magicienne Marguerite de Belleville – 1319

Publié le : 08 septembre 20175 mins de lecture

« …A ces cris qui peignent le tumulte de Paris, aux rues puantes, étroites tortueuses de cette ville, joignons quelques traits qui caractérisent la déraison, les croyances de ses habitants à l’égard des opérations magiques.

Philippe-le-Long, dans une lettre adressée au comte de Nevers, le 6 octobre 1317, lui recommande la punition promote et sévère d’un nommé Hugues de Boisjardin, écuyer, qui s’était réfugié dans son comté : ce gentilhomme, suivant cette lettre, « tant par invocation et commerce de diable, comme par aucune voie défendue, et voeux de cire, baptisés de mauvais prêtres », tendait à faire mourir Géraud, jadis sire de Saint-Verain, cousin de Gérard de Châtillon, ainsi que plusieurs autres personnes de la famille dudit comte de Nevers.

Lorsqu’on voulait estropier, faire languir ou mourir un individu dont on ne pouvait facilement approcher, on composait un vœu ou volt, et on l’envoultoit.

Voici en quoi consistait l’envoultement.

On fabriquait une image en limon, le plus souvent en cire, et, autant qu’on le pouvait, on la façonnait à la ressemblance de la personne à laquelle on voulait nuire ; de plus, on donnait à cette image le nom de cette personne, eu lui faisant administrer par un prêtre, et avec les cérémonies et prières de l’église, le sacrement de baptême ; on l’oignait aussi du saintchrême. On proférait ensuite sur cette image certaines invocations ou formules magiques.

Toutes ces cérémonies terminées, la figure de cire, ou le volt, se trouvant, suivant l’opinion des fabricateurs, en quelque sorte identifiée avec la personne dont elle avait la ressemblance et le nom, était à leur gré torturée, mutilée, ou bien ils lui enfonçaient un stylet à l’endroit du cœur. On était persuadé que tous les outrages faits, tous les coups portés à cette figure, étaient ressentis par la personne dont elle portait le nom.

En 1319, Marguerite de Belleville, magicienne de Paris dite la sage femme, déclara au parlement qu’une demoiselle (femme noble), nommée Méline la Henrione, veuve de Henrion de Tartarin, épouse en secondes noces de Thévenin de La Lettière, chevalier, était venue lui demander une chose pour faire périr son mari. Marguerite de Belleville lui répondit qu’elle s’en occuperait, et que son mari, qui allait aux joutes et tournois, tomberait mort de son cheval ; elle ajouta que cette demoiselle, surprise par son valet, fut effrayée, et jeta la chose. Ce qui l’empêcha d’en faire usage. Quelque temps après, la demoiselle Méline vint de nouveau s’adresser à Marguerite de Belleville : elle s’était adjoint un prêtre nommé Thomas, chapelain de Marcilly. Tous trois composèrent contre le mari de Méline un volt. Le prêtre baptisa ce volt, et lui oignit le front avec du saint-chrême ; il déclara que le volt ne vaudrait rien si on ne l’oignait trois fois du saintchrême ; la demoiselle Méline répondit que son mari en avait assez, etc.

Méline la Henrione revint une autre fois chez la magicienne Marguerite de Belleville ; elle y parut accompagnée de plusieurs personnes : d’un ermite, appelé frère Regnand, demeurant à l’ermitage de Saint-Flavy, près Villemort, en Champagne ; d’un religieux jacobin, du couvent de Troyes, nommé Jean Dufay, et d’une femme, dite Perrotte la Baille de Poissy, ou femme du bailly de ce lieu. Tous les cinq, d’après la demande de Guischard, évêque de Troyes, concoururent à la composition d’un volt, dans le dessein de faire mourir la reine Jeanne de Bourgogne, épouse de Philippe-le-Long. Le volt fait, le frère jacobin le baptisa, et lui donna le nom de Jeanne : la femme Perrotte fut la marraine.

La magicienne Marguerite de Belleville déclara qu’elle ignorait d’abord la personne contre laquelle se faisait le volt, qu’elle n’en fut instruite que quinze jours après. Elle déclara aussi qu’elle était charmeresse, qu’avec certaines paroles elle faisait trouver les objets perdus. Elle fut mise dans les prisons du Châtelet. On ne trouve point quel fut son châtiment. (Registres criminels du parlement de Paris, registre coté 5, commençant en 1339, et finissant en 1344, fol. 127.) »

J.-A. Dulaure – Histoire physique, civile et morale de Paris – Tome 2 – Page 220

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