Les hommes de la Commune – Jules Allix, inventeur du télégraphe escargotique – 1871

Publié le : 30 août 20175 mins de lecture

Allix (Jules) est une des physionomies les plus curieuses que nous ayons étudiées. Né le 9 septembre 1818, à Fontenay (Vendée), Allix se disait professeur ; il enseignait, en effet, autrefois la lecture en quinze leçons et s’occupait de physique universelle. Allix était reconnaissable entre tous ses collègues par ses excentricités : il tenait continuellement à la main un lorgnon qu’il braquait, avec un aplomb imperturbable, sur ceux qui se trouvaient en face de lui. Il avait, de plus, la manie de vouloir toujours parler, et ses collègues essayaient en vain de le guérir de cette maladie, véritable calamité pour ceux qui étaient obligés de l’entendre.

Allix se porta, en 1848, candidat en Vendée pour l’Assemblée Constituante ; il défendait, dans sa circulaire, la religion et la famille, mais il promettait de demander le droit au travail, et le radicalisme de ses opinions, peut-être d’autres raisons, l’empêchèrent d’être élu. Allix se donna alors tout entier à une invention dont il avait, paraît-il, trouvé le secret, et qui s’appelle le télégraphe escargotique. Ce mode de correspondance qu’Allix voulait substituer au télégraphe ordinaire, est assez grotesque pour mériter d’être raconté. Il fallait choisir des escargots sympathiques (?), et en mettant l’un d’eux sur la lettre d’un alphabet spécial, le second escargot se plaçait immédiatement sur la même lettre de l’alphabet correspondant. Cette invention, qui paraît avoir considérablement influé sur l’esprit de son auteur, et qui l’a conduit à Charenton, où il est resté quelque temps, cette invention trouva crédit auprès de M. Emile de Girardin, qui, pendant longtemps, tint en grande estime M. Allix.

En 1853, Allix fut impliqué dans le complot de l’Hippodrome et de l’Opéra-Comique, et condamné à huit ans de bannissement, après l’admission de circonstances atténuantes. La tenue d’Allix dans ce procès, où presque tous les autres accusés eurent une contenance digne et fière, la défense que présenta son avocat, Me Didier, ne faisaient pas supposer qu’Allix eût jamais la prétention de devenir un homme politique. Son récent séjour dans une maison de santé d’où il est loin d’être sorti complétement guéri, n’était pas, du reste, une excellente recomman- dation auprès des électeurs.

Allix organisa, au moment des élections de 1869, après sa sortie de Charenton, des conférences socialistes à Belleville, où il ne put réussir à se faire élire. Il fit partie du bureau qui soutint la candidature d’Althon-Shée, au gymnase Triat, avec une partialité et un manque de convenances vraiment monstrueux ;

On aurait pu croire qu’Allix, orateur insipide des réunions publiques, était assez connu des électeurs pour qu’aucun ne voulût lui confier même le mandat de représentant à la Commune, mais Allix, qui s’était fait de son arrestation au 22 janvier un petit piédestal auprès du parti révolutionnaire, eut l’habileté de se porter candidat non à Belleville, mais dans un arrondissement où il était complétement inconnu, le 8e, qui lui a donné 2,028 voix !

Allix s’était installé à la mairie du 8e où il ne fit qu’organiser des gymnases de femmes.’Il portait les insignes de chef de légion, grade auquel il s’était nommé lui-même. Plus myope que jamais, Allix regardait de plus près et plus insolemment qu’autrefois ses voisins ; il était en outre dévoré d’une envie continuelle de parler qui n’avait d’égale que le désir de ses collègues de ne pas l’entendre.

Allix formula ainsi son vote en faveur du Comité de salut public : « Je vote pour, attendu que la Commune détruira le Comité de salut public quand elle le voudra. »

Le 10 mai, la Commune ordonna l’arrestation de M. Jules Allix ; il s’agissait de l’interdire et d’empêcher sa folie de troubler, par de bizarres arrêtés municipaux, toute l’organisation d’un arrondissement.

Allix resta ainsi détenu presque jusqu’à la chute de la Commune, ne cessant de protester contre l’arrestation dont il avait été l’objet, sans que ses collègues aient paru s’émouvoir de ses constantes récriminations. Relâché quelque temps avant l’entrée des troupes, Allix fut arrêté par ordre du gouvernement et réintégré à Charenton d’où il n’aurait jamais dû sortir.

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