Un canard de haut vol – 1868

Publié le : 20 juillet 20174 mins de lecture

L’étymologie du mot canard est assez amusante :

Un journaliste belge, qui poussait le patriotisme jusqu’à trouver ridicules les nouvelles publiées par les journaux des « Fransquillons », imagina d’en fabriquer une qui dépasserait toutes les autres en invraisemblance ; il prit pour thème la voracité du canard.

Vingt de ces volatiles étaient réunis ; on hacha l’un d’eux avec ses plumes et on le servit aux autres qui le dévorèrent gloutonnement, après quoi on en sacrifia un second, qui eut le même sort, et enfin successivement tous les canards jusqu’à ce qu’il n’en restât plus qu’un seul qui, dans l’espace d’une journée, se trouva avoir avalé les dix-neuf autres.

Cette plaisanterie eut un succès immense, elle fit le tour du monde ; alors son auteur la démentit ; mais le mot canard resta comme synonyme de fausses nouvelles.

Plan de l’article

Un canard de haut vol

En 1868, une après midi du mois de décembre, il faisait un froid de loup ; les trottoirs étaient couverts d’une épaisse couche de neige glacée. Malgré cette température sibérienne, une foule immense encombrait le faubourg Montmartre, au point d’arrêter la circulation. Une escouade de sergents de ville était impuissante à disperser la foule sans cesse grossissante. Le fameux : Circulez, messieurs, n’était entendu de personne, chacun voulait voir.

Que se passait-il ?

Un entrefilet du journal la France était cause de ce tumulte :

Un mari outragé a tiré un coup de pistolet sur le ravisseur de sa femme, M. D., ancien contrôleur des Folies- Dramatiques.

Pendant toute la journée, des groupes ont stationné devant le numéro 30 du faubourg Montmartre, où se sont déroulées, la veille, les péripéties du tragique événement et où gît le cadavre de la victime.

Une large tâche de sang descendant du troisième étage, le long du mur, était l’objet de la curiosité de la foule.

La Liberté envoya un reporter aux informations et le lendemain elle imprimait ceci :

– La longue traînée de sang qui macule l’angle de la maison portant le numéro 30 du faubourg Montmartre, provient tout simplement d’un pot d’encaustique qu’un locataire, en attendant de l’employer pour vernir son parquet, avait placé sur l’appui de la fenêtre. Un chat l’avait renversé en jouant et l’encaustique avait coulé : de là, la fameuse traînée.

La police a fait passer une couche de blanc sur la prétendue tache de sang.

Le même soir, la foule était encore plus considérable que la veille ; elle ne regardait plus la tache de sang, mais la place où avait été la tache ! et les vendeurs de journaux hurlaient à tue-tête : demandez les derniers détails du drame du faubourg Montmartre !

Paris-canard – Charles Virmaitre – 1888

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