Avis concernant les personnes noyées qui paroissent mortes, & qui ne l’étant pas, peuvent recevoir des secours pour être rappelées à la vie – 1772

Publié le : 20 juillet 201710 mins de lecture

Les Prévôts Des Marchands, & Échevins de la Ville de Paris, instruits des succès multipliés qu’ont eu diffèrens moyens pratiqués pour secourir les Personnes noyées que l’on a retirées de l’eau, s’empressent de les indiquer à leurs Concitoyens. Renouvelant, en tant que de besoin, un premier Avis qu’ils avoient donné à ce sujet en 1740, imprimé & distribué de nouveau en 1759, & récemment en 1769.Ils se contenteront aujourd’hui d’annoncer la conduite qu’on doit tenir, & les secours qu’on peut employer en pareil cas.

Des qu’une Personne noyée aura été retirée de l’eau, il faut sur le champ, sì son état annonce qu’elle a besoin d’un secours pressant, lui donner, même dans le Bateau dans lequel elle aura été placée, ou sur le bord de la Rivière, si le tems le permet, ceux qu’on pourra lui procurer dans l’instant, & qu’on indiquera ci-après.

Pendant qu’on sera occupé à les lui administrer, quelqu’un se détachera pour aller avertir au Corps-de-Garde le plus prochain, où l’on trouvera toujours une Boite, dans laquelle seront réunies les choses les plus nécessaires.

On transportera ensuite, s’il est possible, la Personne retirée de l’eau, ou dans le Corps-de-Garde le plus prochain, ou dans l’endroit le plus commode qu’on pourra se procurer, chez les particuliers qui voudront bien s’en charger.

Le Sergent de chaque Corps-de-Garde sera obligé, à la première réquisition, de faire porter par un de ses Soldats la Boîte qu’il aura en dépôt, & de l’accompagner pour veiller à l’administration des secours.

Lorsque, par leur efficacité, le Noyé aura été rappelé à la vie, il sera transféré chez lui, s’il a un domicile, & qu’on puisse en avoir connoissance, sinon à l’Hôtel-Dieu.

Le Sergent, ou Soldat, sera tenu de faire son rapport qui contienne les noms, qualités & demeure de la Personne retirée de l’eau, qui annonce si elle a été rappelée à la vie, & en quel état elle s’est trouvée lorsqu’elle a été transférée chez elle ou à l’Hôtel-Dieu.

Ce même Procès-verbal contiendra les noms de celui qui aura averti le premier au Corps-de Garde, & de tous ceux qui auront concouru à la retirer de l’eau, et à lui procurer les secours convenables.

Le Sergent sera tenu de remettre, dans les vingts quatre heures, ledit Rapport, au Procureur du Roi & de la Ville.

Détail des Secours, & de l’ordre dans lequel ils doivent être donnés.

II faut sur le champ dans le Bateau même, si la Personne noyée y a été placée après qu’elle aura été retirée de l’eau & que son état semble exiger un secours pressant, ou sur le bord de la Rivière, si la chaleur de la saison le permet, ou dans le Corps-de-Garde, ou autre endroit proche & commode, s’il est possible d’en trouver :1° La déshabiller, la bien essuyer avec de la Flanelle ou des Linges, & la tenir très chaudement, en l’enveloppant soit avec des Couvertures, soit avec des Vêtemens & ce qu’on pourra se procurer ; ou la mettant devant un feu modéré, ou dans un lit bien chaud, s’il est possible.

2° On lui soufflera ensuite par le moyen d’une Canule, de l’air chaud dans la bouche, en lui serrant les deux narines.

3° On lui introduira de la fumée de Tabac dans le fondement, par le moyen d’une Machine fumigatoire, qu’on trouvera dans tous les Corps-de-Garde.

Si la Personne retirée de l’eau paroissoit exiger un pressant secours, & qu’on ne fut pas à portée d’avoir sur le champ la Canule & la Machine fumigatoire, on pourra, pour le moment, suppléer à la Canule pour introduire l’air par la bouche dans les poumons, en se servant d’un Soufflet ou d’une Gaine de Couteau tronquée par le petit bout.

On pourra également suppléer à la Machine fumigatoire , en se servant de deux Pipes, dont le tuyau de l’une sera introduit avec précaution dans le fondement de la Personne retirée de l’eau, les deux fourneaux appuyés l’un sur l’autre, & quelqu’un soufflant la fumée du Tabac par le tuyau de la seconde pipe.

On peut aussi employer avec succès les Lavemens de Tabac & de Savon.

4° On ne négligera pas d’agiter le Corps de la Personne en différents sens, en observant de ne la pas laisser long-tems sur le dos.

On réitérera ces premiers secours le plus souvent qu’il sera possible & sans violence.

5° On lui chatouillera le dedans du nez & de la gorge, avec la barbe d’une petite plume ; on lui soufflera dans le nez du Tabac ou de la Poudre sternutatoire, & on lui présentera sous le nez de l’esprit volatil de Sel ammoniac.

6° On la frottera même un peu rudement par tout le Corps, sur-tout sur le dos, les reins, la tête et les tempes, avec des Linges ou de la Flanelle trempés dans de l’Eau-de-Vie camphrée, animée avec l’esprit de Sel ammoniac.

7° La Saignée, à la jugulaire sur-tout, peut aussi être très-utile , si on trouve promptement un Homme de l’art, qui jugera si elle doit être employée.

Si la Personne retirée de l’eau donne quelques signes de vie, & qu’on s’aperçoive que sa respiration & la déglutition commencent à se rétablir, on lui donnera d’abord, peu à peu, une petite cuillerée d’eau tiède.

Si elle passe, on lui donnera, ou quelques grains d’émétique, ou, de demi-heure en demi heure, une petite cuillerée d’Eau-de-Vie camphrée, animée de Sel ammoniac, dont on trouvera toujours des Bouteilles avec la Machine fumigatoire, & autres secours dans le Corps-de-Garde.

On mettra en usage tous les secours ci-dessus indiqués pour toutes les Personnes noyées, sans avoir égard au tems qu’a duré leur submersion, à moins qu’il n’y eût des signes de mort certains & évidens ; le visage pourpre ou livide, la poitrine élevée, & autres symptômes de la même espèce, ne devant point empêcher de tenter les secours indiqués.

On avertit au surplus, qu’il faut les employer sans relâche, & avec la plus grande persévérance, parce que ce n’est souvent qu’après les avoir continués pendant trois ou quatre heures, & même plus, qu’on a la satisfaction d’en voir le succès se développer par degrés.

Pour exciter, s’il étoit nécessaire, à procurer ces différens secours aux Noyés,

II sera payé à l’avenir, à compter du jour de la publication des Présentes, pour chaque Personne, qui étant noyée, aura été retirée de l’eau & rappelée à la vie.Sçavoir, à quiconque avertira le premier, au Corps de-Garde des Ports & Quais le plus prochain, qu’il y a un Noyé, & indiquera le lieu où il est, la somme de six livres.

A ceux qui auront retiré de l’eau la Personne noyée, & auront aidé à l’administration des secours indiqués, la somme de vingt-quatre liv.

Au Sergent & aux Soldats du Corps-de-Garde qui auront reçus l’avis d’une Personne noyée, se seront transportés dans l’endroit où elle aura été déposée, après avoir été retirée de l’eau, auront veillé & coopéré à l’administration des secours, & du tout auront fait & remis leur Procès-verbal, dix-huit livres, dont le tiers pour le Sergent, & les deux autres tiers à partager également entre les quatre Soldats.

Tous les frais, extraordinaires & particuliers, qu’on seroit obligé de faire, seront de plus remboursés, lorsqu’ils auront été jugés nécessaires, & qu’ils auront été certifiés par Personnes connues & non intéressées.

Dans le cas où, malgré tous les secours & moyens possibles, la Personne noyée ne pourroit être rappelée à la vie, alors les récompenses ci-dessus fixées seront réduites à moitié.

Le paiement de ces différentes récompenses ne pourra être fait par le Préposé à la Recette du Domaine de la Ville, que d’après les ordres du Bureau de la Ville, huitaine après le jour de la remise du Rapport ; afin, que pendant ce tems le Procureur du Roi & de la Ville puisse s’informer des faits & circonstances qu’il contiendra.

A Paris,
De l’Imprimerie de Lottin aîné, lmprimeur-Libraire ordinaire,
de Mgr le Dauphin et de la Ville, rue Saint-Jacques,
près de Saint-Yves, au Coq & au Livre d’Or.
M. DCC. LXXII.

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