Fossard et son bastringue – 1865

Publié le : 10 mars 20203 mins de lecture

C’était un brigand d’une force, d’une audace et d’une beauté singulières, que ce Fossard. Quand il s’est évadé du bagne, où des méfaits antérieurs l’avaient fait condamner à perpétuité, il avait conçu et mûri, depuis longtemps, le projet de voler, non seulement l’or de la Bibliothèque, mais celui de la Bourse, mais celui de la maison Laffitte et Caillard, etc., etc., au moyen de clefs qu’il s’était fabriquées, à l’aide d’empreintes en cire prises sur toutes les serrures, par les forçats libérés, ses correspondants.

C’est de lui-même que je tiens ce détail effrayant, pendant sa détention à Bicêtre.

Quand il fut amené dans cette prison, on saisit sur lui, c’est-à-dire en lui, plusieurs billets de mille francs cachés, avec son bastringue.

Bastringue ! Qu’est-ce cela ? Voici : Les malfaiteurs appelant jouer du violon, l’action de scier ses fers, ils ont donné, par métonymie, le nom de bastringue à l’étui qui renferme leurs scies et leurs autres outils d’évasion. Or, cet étui, qui est de buis, d’ivoire, de fer blanc, ou d’argent, les voleurs se le cachent profondément dans une partie intérieure du corps où, pendant longtemps, on n’a pas eu l’idée de le chercher. C’est pourquoi les simples, à la vue de la facilité avec laquelle certains bandits coupaient les barreaux de leur prison, et se débarrassaient de leurs chaînes, se sont, pendant le même temps, imaginé qu’ils connaissaient une herbe ayant la propriété de couper le fer. Mais, aujourd’hui, cette herbe est parfaitement connue. Ce n’est autre chose qu’un ressort de montre admirablement trempé et dentelé.

En lui-même, cet étui — contenant et contenu — m’a paru si curieux, que j’ai pensé que mes lecteurs le seraient peut-être aussi de le connaitre. Le voici donc, tel que je l’ai fait dessiner, d’après nature, à Bicêtre, sur l’original même saisi en Fossard, par un artiste habile, Cloquemin, récemment tombé dans le guet-apens tendu par Vidocq, sous le nom de vol de la barrière Fontainebleau, comme je l’expliquerai en son lieu. Bastringue fameux celui-là !… Et historique, dans les annales du Monde des Coquins.

L.-M. Moreau-Christophe – Ancien inspecteur général des prisons, etc. – Variétés de coquins – Le monde des coquins (Deuxième partie) – 1865

Plan du site