Les Parisiennes et la Commune – 1896

Publié le : 30 août 20174 mins de lecture

Cette femme qui salue ou accompagne, c’est la vaillante et vraie Parisienne. L’immonde androgyne née des fanges impériales a suivi sa clientèle à Versailles ou exploite la mine prussienne de Saint-Denis. Celle qui tient le pavé maintenant, c’est la femme forte, dévouée, tragique, sachant mourir comme elle aime, de ce pur et généreux filon qui, depuis 89, court vivace dans les profondeurs populaires. La compagne de travail veut aussi s’associer à la mort. « Si la nation française ne se composait que de femmes, quelle terrible nation ce serait » écrivait le correspondant du Times.

Le 24 mars, aux bataillons bourgeois de la mairie du Ier arrondissement, un fédéré dit ce mot qui fit tomber leurs armes. « Croyez-moi vous ne pouvez tenir ; vos femmes sont en larmes et les nôtres ne pleurent pas. »

Elle ne retient pas son homme [1], au contraire, le pousse à la bataille, lui porte aux tranchées, le linge et la soupe, comme elle faisait au chantier. Beaucoup ne veulent plus revenir, prennent le fusil. Le 4 avril, au plateau de Châtillon, elles font le coup de feu. Les cantinières, simplement vêtues, en travailleuses. Le 3 avril, à Meudon, celle du 66e, la citoyenne Lachaise, resta toute la journée sur le champ de bataille, soignant les blessés presque seule, sans médecin.

Au retour, elles battent le rappel des dévouements, les centralisent dans un comité à la mairie du Xe, affichent des proclamations touchantes : « Il faut vaincre ou mourir. Vous qui dites : Qu’importe le triomphe de notre cause, si je dois perdre ceux que j’aime, sachez que le seul moyen de sauver ceux qui vous sont chers, c’est de vous jeter dans la lutte. » Elles s’offrent à la Commune, demandent des armes, des postes de combat, s’indignent contre les lâches. « J’ai le cœur saigné, écrit l’une, de voir qu’il n’y a absolument que ceux qui le veulent qui combattent. Ce n’est point, citoyen délégué, une dénonciation que je viens vous faire ; loin de moi cette idée mais mon cœur de citoyenne craint que la faiblesse des membres de la Commune ne fasse avorter nos projets d’avenir.

André Léo, d’une plume éloquente, expliquait la Commune, sommait le délégué à la Guerre d’utiliser « la sainte fièvre qui brûle le cœur des femmes. » Une jeune Russe de grande naissance, instruite, belle, riche, qui se faisait appeler Dimitrieff, fut la Théroïgne de cette révolution. Toute peuple de geste et de coeur cette Louise Michel, institutrice au XVIIe arrondissement.

Douce et patiente aux petits enfants qui l’adoraient, pour la cause du peuple, la mère devenait lionne. Elle avait organisé un corps d’ambulancières qui soignaient les blessés sous la mitraille. Elles allaient aussi dans les hôpitaux disputer leurs chers camarades aux religieuses revêches, et l’œil des mourants se ranimait au murmure de ces douces voix qui parlaient de République et d’espoir.

Dans cette mêlée de dévouement, les enfants défiaient les hommes et les femmes. Les Versaillais, vainqueurs, en prirent 660, et beaucoup périrent dans la lutte des rues. Ils suivaient les bataillons aux tranchées, dans les forts, s’accrochaient aux canons. Quelques servants de la porte Maillot étaient des enfants de 13 à 14 ans. En rase campagne, ils faisaient ’des folies de bravoure.

Prosper-Olivier Lissagaray (1838-1901) – Histoire de la commune de 1871 – 1896

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