A la Cloche de Bois – 1897

Publié le : 20 juillet 20174 mins de lecture

A Clichy, rue Bonnet, y a une piôle d’un dégueulasse à tout casser.

Le probloc en est en même temps le cloporte, et foutre, le charognard traite ses locatos on ne peut plus mal : l’eau est dans la cour, mais pour qu’on en use peu, le birbe enchaîne le robinet et ne laisse tirer de la lance qu’une heure par jour. Tant pis pour les locatos qui sont absents, ils se fouillent et sont réduits a aller remplir leurs seaux aux bornes-fontaines des rues.

Turellement, une pareille turne n’est habitée que par de pauvres purées : des bourgeois ne voudraient pas subir la vacherie d’un tel proprio.

Et il est inutile d’ajouter que les malheureux qui ne peuvent payer leur terme en voient de dures : le vautour n’a pas de pitié pour leur mistoufle !

Heureusement, tous ne courbent pas l’échine !

clichy

L’autre jour, un des locatos de cette affreuse turne a voulu en décaniller, — sans financer.

Il a fait signe à quelques copains qui, en douceur, l’ont déménagé au nez du proprio. Un des déménageurs, — un réjoui va-bon-train, — raccrochait les passants : « Ohé, venez donner un coup de collier ! C’est un ami qu’on déménage à la cloche. Vous seriez bien content qu’on en fasse autant pour vous ? »

« Parfaitement ! » ont dit une demi-douzaine et, s’enquillant dans la turne, ils ont fait chacun un voyage.

cloche de bois

Ça rappelle un peu le vieux truc des barricades où les passants étaient priés d’apporter leur pierre, — plus pour faire montre de sympathie envers les insurgés que pour besoin réel.

Quand le déménagement a été baclé, dans la cour, les gas ont entonné à pleins poumons le Chant des anti-proprios et ont gentiment offert leurs services aux locatos désireux de déménager.

Aux croisées, s’alignaient des rangées de têtes de prolos rigouillards, — seul, le vautour, tapi dans son antre, faisait le mort.

Le Père peinard – 2e série, n° 14 – 24-31 janvier 1897

Georges-cochon

Très populaire, Georges Cochon fut avant la Première Guerre mondiale secrétaire et président de l’Union syndicale des Locataires puis de la Fédération des Locataires, au temps où le « proprio » était Monsieur Vautour et où certains locataires pratiquaient les déménagements « à la cloche de bois ».


La Chanson des Antiproprios (1886)

Aux ventrus déclarant la guerre
Nous avons pour enn’mis : patrons, curés, soldats ;
Mais c’est contr’ le propriétaire
Que nous livrons gaiement nos plus joyeux combats.
C’est nous qu’on voit, à l’approche du terme,
A l’appel des copains, accourir d’un pied ferme,
Puis entonner, avec les meubl’s su’l’dos,
A la barb’ du pip’let le chant des antiproprios :
Ohé ! les zigs !
A bas les flics !

Refrain :
Un’, deux, trois,
Marquons l’pas,
Les chavaliers d’la cloch’ de bois
Un’, deux, trois,
C’est la terreur des bourgeois !
Serrons les rangs
Et portons crânement
Le gai drapeau
Des antiproprios !
bis bis bis bis bis bis bis

Source : Anthologie de la subversion carabinée – Noël Godin

pere_peinard

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