Les bataillons de femmes sous la Commune

Publié le : 30 août 20173 mins de lecture

En 1870-1871, j’habitais avec ma famille, 40, rue d’Ulm où j’ai été le témoin attristé des deux sièges de Paris. Le mercredi 24 mai 1871, les Versaillais s’emparèrent du Panthéon qui était défendu par cinq barricades : la première au coin de la rue des Grés (aujourd’hui rue Cujas) et du boulevard Saint-Michel ; la seconde au coin de la rue Soufllot et du boulevard Saint-Michel ; la troisième au coin du même boulevard et de la rue d’Enfer (aujourd’hui rue Denfert-Rochereau) ; la cinquième à l’intersection des rues d’Ulm et des Feuillantines. Peu avant le combat, les gardes nationaux crièrent : « Citoyens, fermez vos persiennes ; nous tirerons sur les fenêtres dont les persiennes ne seront pas fermées ». J’entendis aussi une femme qui, sous mes fenêtres, jetait ce cri héroïque : « Citoyens, il faut mourir pour la Commune ».

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Barricade devant le Panthéon de Paris lors de la Commune de Paris en 1870

Les Versaillais avaient monté du canon dans le palais du Luxembourg, d’où ils canonnèrent la barricade de la rue Soufllot. Les communeux ripostèrent à coups de fusil et le satyre dansant qui fait face à la place de Médicis reçut plus d’une balle. Il a été ensuite restauré et remis en place. Quand cette barricade fut suffisamment démantelée, les Versaillais, après avoir rampé jusqu’à la grille du Luxembourg, l’enlevèrent à la baïonnette, ainsi que celle de la rue Gay-Lussac. Je savais les caves du Panthéon pleines de poudre, qu’il pouvait sauter, avec lui tout le quartier, et j’avais fait le sacrifice de ma vie.

Quand la poudrière du Luxembourg fit explosion, de nombreuses portes du quartier furent enfoncées, des milliers de vitres volèrent en éclats. Sous la pression de l’air, les deux fenêtres de mon salon s’ouvrirent et ma mère paralytique arrachée de son fauteuil. C’est alors que j’eus la curiosité de regarder dans la rue et que je fus aussitôt couché en joue par un communeux ; le coup heureusement ne partit pas.

Le lendemain, en compagnie de mon frère Frédéric, aide-major au fort d’Ivry, et d’un ami, je visitai le champ de bataille, jonché de morts, tous étendus sur le dos et dépouillés de leurs armes et de leurs chaussures. Les communeux avaient aussi du canon ; pour le traîner ils réquisitionnèrent, à l’écurie des omnibus de la rue d’Ulm, deux chevaux et un garçon d’écurie dont les cadavres jonchaient plus tard le sol de la rue Gay-Lussac. Le 25 mai au soir, une pluie torrentielle lava le quartier.

Th. Courtaux

L’Intermédiaire des chercheurs et curieux – 1909

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