Les lions du Jour : physionomies parisiennes – Les oubliés de Delvau – 1867

Publié le : 30 août 20176 mins de lecture

Ils sont nombreux plus nombreux que ceux auxquels j’ai accordé la préférence. Je voudrais pouvoir donner au moins leurs noms, mais la place me manquerait. Je veux seulement utiliser la place qui me reste encore par quelques mentions honorables faites au hasard de mes souvenirs, sans tenir compte de la chronologie, qui m’embarrasserait trop.

Je cite donc :

Paganini, le célèbre artiste, sur le compte duquel coururent tant de cancans mystérieux à ce point qu’il devint légendaire.

Les Frères Siamois, une bizarrerie de la nature, à propos desquels Jules Janin écrivit un roman.

Le général Allard, simple aide-de-camp du maréchal Brune devenu généralissime des armées du roi de Lahore, un rêve des Mille et une nuits.

Broussais, l’antiphlogistique Broussais, taut raillé, tant charivarisé.

L’éléphant Kiouny, un lion aussi, comme plus tard l’écuyer quadrumane.

La Vénus hottentote, une véritable Vénus callipyge, trop callipyge.

Franz de Bach, l’homme à la boule, un adolescent leste comme Mercure et ayant comme lui des ailes au talon.

Héloïse Pavillon, la dernière grisette.

Gaspard Hauser, le malheureux idiot inventé par Méry.

Romieu, le viveur célèbre par ses lampions, le préfet célèbre par ses hannetons.

Le chien Munito, un caniche plus intelligent que beaucoup d’hommes.

Reboul, le boulanger poète, mis à la mode par une strophe de Lamartine.

Van Amburg, le dompteur de lions, lion lui-même, qui mourut dévoré par un lion.

Jenny Lind, le rossignol américain qu’éclipse en ce moment la Patti.

Prudence, la somnambule extra-lucide du docteur Lassaigne.

Ducornet, un peintre qui trouva la réputation sous ses pieds.

Victor Escousse et Auguste Lebras, des poètes qui demandèrent au suicide la gloire d’une heure que leur avait refusée leur talent.

Barbès, ce condamné à mort qui ne mourut pas, un lion d’un beau poil et d’une vaillante face.

Madame Keller, la déesse des poses plastiques, embaumée dans un rondeau de Théodore de Banville.

Les ambassadeurs cochinchinois, avec leurs robes de chambre à ramages et leurs dents avariées.

Hippolyte Bonnelier, romancier, sous-préfet de Carcassonne, jouant le rôle d’Orosmane à Fodéon, et obtenant une heure de gloire singulière.

Cécile Combettes, la victime du frère Léotade, une héroïne qui ne put pas jouir du bruit fait autour de son nom.

Carolina la Laponne, une affreuse naine qui obtint un succès de curiosité intime.

Musard, le triomphateur grêlé, qui menait tout Paris du bout de son bâton de chef d’orchestre.

Freychütz, le terre-neuve d’Alphonse Karr, qui se faisait dévorer de temps en temps par lui, une manière originale de lui couper la queue.

Madame Sand, plus connue à ses débuts par ses cigares et ses redingotes qu’elle ne l’a été depuis par ses chefs-d’œuvre.

L’Ermite de Tivoli, plus honoré de la faveur du public que l’Ermite de la Chaussée d’Antin.

Jacqueline la Chimpanzé du Jardin des Plantes, plus courue que beaucoup de drôlesses.

Fanny Essler, la déesse de la danse.

Bosco, le prestigieux prestidigitateur.

L’abbé Auzou, l’alter ego révolté de l’abbé Chatel.

Mademoiselle Lenormand, la vaticinatrice des gros bonnets.

Vidocq, le Javert des Misérables de la réalité.

Odry, l’étonnant saltimbanque.

Chicard, le chahuteur émérite.

Eugène de Mirecourt, le pamphlétaire-biographe, le Jacquot du perchoir de Gustave Havard.

Jean Journet, l’apôtre fouriériste qui jetait des torrents de petits papiers sur ses obscurs blasphémateurs.

Jules Gérard, le tueur de fauves, qui, quoique brave, n’a jamais osé citer le proverbe espagnol fait à propos de la rencontre du Cid avec le lion : « No es el leon tan bravo como le pintan ».

Debureau, le grand funambule immortalisé pour quelques années par Jules Jauin.

Galimard, le peintre mystique.

Mademoiselle de Luzy, l’institutrice du drame Praslin, épousée par un Anglais.

Adolphe Bertron, le candidat humain et perpétuel, qui avait trouvé le moyen de faire une « excellente huile à manger » avec les boues de Paris.

Nana-Saib, le Schamyl de l’lnde.

Schamyl, le Nana-Saib du Caucase.

Le pompier du 15 mai, plus introuvable que la Chambre de 1815.

Caussidière, le préfet de police fantaisiste, qui avait trouvé moyen de faire de l’ordre avec le désordre.

Le bonnetier Pétin, capitaine de la frégate aérienne qui a fait école, comme celle du Pont-Royal.

Bombonnel, le tueur de panthères, un Jules Gérard d’un fort calibre.

Le toréro Montès, la primera espada de toutes les Espagnes, adoré de toutes les Parisiennes.

A. Leclerc, le blessé de juin, candidat-représentant non élu.

Lord Seymour, le gentilhomme encanaillé qui faisait frire des louis comme des pommes de terre et les faisait servir, une fois frits, aux voyous de la Courtille enthousiasmés.

Dona Martinez, la Malibran noire.

Rarey, le dompteur de chevaux.

Tamberlick, le dompteur de notes.

Dunglas Home, le médium, l’aîné des frères Davenport.

Gustave Courbet, le tireur de coups de pistolet peints.

Auriol, le clown.

Blondin et son omelette fantastique.

Alexandre Dumas, le père d’Alexandre Dumas fils.

Garcia, le joueur heureux par ses coupes.

Dumolard, le Papavoine des bonnes.

Renan, le tombeur de Jésus-Christ.

Ponson du Terrail, le Timothée Trimm du roman.

Villemessant, le père Gigogne du petit journalisme.

Armand de Pontmartin, l’indiscrète dame Charbonneau.

Armand Roux, le domestique plein de ficelles.

Malka-Kachwar, la reine d’Oude morte à l’hôtel Laffitte.

Lacordaire, le dominicain de l’Institut.

Etc., etc., etc. Vingt-cinq pages d’et cœtera.
Ô la célébrité !…

Pour plus d'informations : L’argot du milieu - 1948

À lire en complément : Petit dictionnaire critique et anecdotique des enseignes de Paris par un batteur de pavé - Honoré de Balzac - 1826

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